Daboura dans la commune de Solenzo : Deux ouvrages sur l’historique du village offerts aux générations futures

Publié le mercredi 2 août 2017 à 00h10min

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Daboura dans la commune de Solenzo : Deux ouvrages sur l’historique du village offerts aux générations futures

‘‘Les paroles passent, disaient les Romains, mais les écrits demeurent’’
Que restera-t-il de la tradition orale quand nos anciens auront disparu avec les dernières bribes de l’histoire de nos familles, de nos villages, de nos peuples ? Que restera-t-il de nos chansons, de nos traditions quand nos griots ne sauront plus jouer du tam-tam, du balafon ni réciter les louanges attachées à chaque famille ? Beaucoup de pas de danses traditionnelles disparaissent au profit de danses dites modernes. Si nos enfants, nos petits enfants sont coupés de leur histoire, disons de leurs racines, si en plus du fait que nos langues maternelles ne sont pas écrites, elles ne sont plus parlées, à quoi ressemblerons-nous ? Quelle sera notre couleur au sein de l’arc-en-ciel qui va du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest ? Un arbre n’est vraiment puissant que si ses racines sont profondément enfouies dans le sol qui le nourrit. Ecrire l’histoire de la famille BOMBIRI ? Oui, mais pour aboutir à quoi ? Quand sur la base des enquêtes, des récits oraux plus ou moins historiques, des chansons, de l’analyse des noms et formules totémiques, j’aurai pu réunir une série de documents, que je les aurai agencés dans un texte cohérent et compréhensible, si je n’ai pas évacué de mon cœur et de mon esprit ce nuage qui plane au-dessus de nos têtes et qui reste une interrogation perpétuelle pour le noir scolarisé.

Celui qui nait et qui ne connait pas son histoire est un arbre sans racines. Mais celui qui meurt et qui ne dit pas son histoire à ses fils et filles, est un arbre sans branche, et celui à qui son histoire est signifiée et qui vit sans la cultiver est un baobab planté au milieu d’un village qui ne donne ni ombre ni sauce », ces paroles sages sont tirées des deux œuvres ‘’NICIOMOUSIN’’ qui signifie en langue bwaba ‘’c’est bon d’être humain’’ et ‘’le Village de Daboura’’.

‘‘NICIOMOUSIN ! C’est ce nom qui est donné à ce collège, c’est ce nom qui va être notre programme de vie, c’est ce nom qu’enfants et vieillards vont prononcer, c’est ce nom que jeunes gens et jeunes filles vont chanter, c’est ce nom que les hommes et les femmes vont cultiver ! Histoire de nos ancêtres ! Réalité pour nous les enfants et Espoir pour nos petits fils et filles’’. Nous font savoir les deux œuvres. Les paroles de ces deux œuvres ont été recueillies et transcrites par Tibiri DAKUYO et Cyriaque ZONOU, textes rédigés par l’Abbé BOMBIRI Emile. C’est à travers ces deux ouvrages, que les fils et filles de Daboura village situé dans le département de Solenzo, province des Banwa et dans la Région de la Boucle du Mouhoun, vont connaitre leur histoire.

La 1ère œuvre est sortie en novembre 2003. Puis le second, le 1er novembre 2005. « Nous remercions de tout cœur Cyriaque ZONOU, notre neveu qui a bien voulu rassembler tous ces éléments pour que Daboura écrive en lettres d’or pour les générations d’aujourd’hui et de demain ce qui fut et demeurera son histoire. Merci à tous nos vieux. Les femmes de Daboura ont ainsi déjà écrit l’histoire de leur association. Et les jeunes, à vous de jouer ! Que Dieu bénisse Daboura et ouvre nos cœurs au pardon, au partage à la fraternité et au développement !Moundasso, 28 octobre 2005. Abbé Emile BOMBIRI ».

Personne ne peut prétendre connaître toute la succession des chefs d’un village africain car il n’y avait pas d’écrits, mais l’Abbé Emile BOMBIRI et ses Collaborateurs avec l’appui des bibliothèques du village, ont écrit l’histoire de Daboura pour les petits enfants. Ces œuvres ci-haut citées nous parlent de l’origine du nom Daboura, du fondateur du village, des quartiers, de l’organisation socio-politique traditionnelle, du rôle de chaque chef, de la hiérarchie dans l’organisation familiale, des relations sociales, politiques et coutumières entre le village et les villages voisins, de la place de la femme dans l’organisation sociale, économique et politique, de la présentation globale de la situation socio-économique de nos jours, des projets de développement autour de l’éducation, de la santé, de l’origine du nom du Do, comment les chefs religieux sont-ils choisi, du processus d’initiation des jeunes, des valeurs morales sociales fondamentales du Bwa, du système de justice et la transgression des règles coutumières. Selon le premier et le second ouvrage Niciomou sin et le village de Daboura : voici l’origine du nom du village de Daboura.

Quelle est l’origine du nom du village DABOURA ?

COULIBALY Albert, chef de terre du village de Daboura.

« J’ai appris de mes grands-parents que le nom DABOURA est d’origine Bambara de Ségou, une ville antique de la République du Mali. Voilà ce qu’ils ont dit : la syllabe « DA » d’une manière littérale signifie « boucle » ; « BORA » signifie « sortie », « n’est plus là-dedans » ; la traduction devient « ma bouche n’est plus dedans ». Il faut comprendre que de nombreuses palabres, querelles étaient le lot quotidien de ceux qui cherchaient à s’installer. Le colonisateur a cherché à fixer orthographiquement « DABORA » à « DABOURA ».

Marcel Bombiri
« De bouche en bouche, j’ai entendu dire que Daboura est d’origine Bambara de Ségou au Mali ; sa signification est : « ma bouche n’est plus dans de multiples palabres » ce qui veut dire « Dabora ». Une autre interprétation s’est passée quand j’avais l’âge de raison, j’ai entendu et j’ai vu, c’est vers 1945, qu’un recensement administratif a eu lieu à Daboura ; l’interprète Coulibaly Nandabou assurait le déroulement ; il a posé cette question aux vieux qui étaient présents : que signifie le nom du village Daboura ? Les réponses données par les vieux n’ont pas été satisfaisantes ; l’un d’eux a donné la réponse suivante : « Daboura était entouré de petits villages où les gens s’entretuaient tout le temps. Les habitants de Daboura ont marché sur ces villages et les ont mis à sac ; les vaillants guerriers de Daboura ont crié « Wa Daba » « BweBoura », ce qui veut dire « à la ronde nous les avons vaincus » d’où le nom Daboura.

Koho Kaka

« La famille Koho du quartier Bwolokuy est arrivé la dernière à Daboura et à logé dans la famille des Koho de Bakuy. L’explication donnée par Coulibaly Albert est la même que celle donnée par mes grands-parents ».

Qui est le fondateur du village de DABOURA ?

Coulibaly Albert, chef de terre.
« La terre appartient au premier occupant. Mes grands-parents ont raconté ceci : au temps des razzias, d’enlèvements d’enfants, d’hommes, les gens n’avaient pas de lieu fixe. Ils cherchaient des endroits paisibles, fertiles et giboyeux. C’est ainsi que deux frères chasseurs sont arrivés à Koakoa. Ils se sont installés. Peu après, ils ont découvert un autre endroit, (l’actuel village de Dinkoro). Les deux frères ont fait encore un nouveau déménagement. Le petit frère nommé Fondouwé chassait vers l’est de Dinkoro et a trouvé une belle vallée entourée de plusieurs collines et par-dessus tout, très fertiles et giboyeuses.

Le jeune chasseur est venu à Dinkoro pour informer son grand frère des nouvelles de sa découverte, il invita son grand frère pour une troisième installation. Le frère décline cette invitation tout en permettant à son frère d’aller occuper le lieu, tout ce qu’il y trouvera sera à eux deux. Les deux villages seront des villages familles. Aussitôt dit aussitôt fait. Fondouwé, envahit par une grande satisfaction a dit « Dabora » (DA = bouche. Bora = sortie), de ma bouche sont sortis de nombreuses palabres et de nombreux déplacements. L’orthographe s’est améliorée au fur et à mesure, Dabora est devenu Daboura. Fondouwé est le fondateur du village de Daboura. Coulibaly Lagna lui a succédé, suivi de Coulibaly Lombozie, puis Coulibaly Tyamou. Au décès de Tyamou, Douwé prend le pouvoir. Il convient de dire que tous ces chefs assumaient les deux pouvoirs, chef de terre et en même temps chef administratif.

Après Douwé, la révolte des Peuls, aidée de Kiè Dèniassa a donné la chefferie à la famille Sidibé de Bwolokuy, ainsi Diomafé Sidibé est devenu chef. Après sa mort, son fils Salou Sidibé le remplaça. Quand Kiè Dèniassa a chuté, c’est Dibi Coulibaly de Bakuy qui a pris le village. Coulibaly Mafo a remplacé Dibi et c’est sous son pouvoir que l’heure de la Révolution est apparue à Daboura. Albert est devenu chef de terre tandis que Lomboza est le chef de village ».

Le village est composé de quatre grands quartiers

Le quartier Koundiakuy composé de plusieurs familles :
Kohounnan, Bêkuissa, Winkiènèssa et Kossossa
Les griots n’ont pas le droit d’y demeurer plus d’un an sous peine de mort.

Le quartier Bwolokuy est composé de :
Gnoumoununuan, Kazokuy ou Kozokussa, Zérénuan et Tyamounuan

Bakuy est composé de :
Sentoni, Kohossa ou Kabarokuy, Kadeba ou Honrokuy et Tyoakuy ou Dakuassa ou encore Kuiraou parce que leur dernière escale avant d’arriver à Daboura est Kuira.
Bwèkuy, Parokuy ou Paronuan, Tyinuan et la famille des griots
Kakonuan, Lozanuan, la famille Bakuissa et la famille des forgerons

Le quatrième quartier est composé de :
Mossi qui sont arrivés à Daboura à la recherche de nourriture sous le règne de Nabakobga. L’ancêtre Nafiba de son vrai nom Ratumsie est le premier installé. Son fils est Tatontuan.

Koho Dieudonné de Kabarokuy

Je conteste certains points évoqués plus haut par Coulibaly Albert, chef de terre de Daboura. Fondouwé (Fandouwé), n’est pas le fondateur de Daboura, le fondateur du village de Daboura est Monsieur Coulibaly Sonmigni, il vient de Ségou au Mali. La liste des chefs de terre n’est pas exacte. Nos parents nous ont dit que Dinkoro et Daboura ont été fondés à la même époque, lorsque la radio Vératamou interrogeait le chef de terre de Dinkoro sur l’historique de son village, il se disait être le 37ème remplaçant. Donc Daboura a probablement 35 remplaçants (chefs de terre). Ces deux villages ont le même âge. Pour le reste je ne vois pas de changement notable.

Monsieur Coulibaly Jean Martin donne une autre version :

Selon les dires du chef initiateur au Dô, le fondateur du village de Daboura est Monsieur Coulibaly Gnilo (quelqu’un qu’on n’aime pas) puis, ont suivi : Gnoumouni, Téta, Logna, Lomboza, Soura, Mazo, Tyamou, Téfio et plus récemment Douwé, Dibi, Mafo. La révolution a donné le pouvoir à Coulibaly Lomboza et Coulibaly Albert est devenu chef de terre. Personne ne peut prétendre connaître toute la succession car il n’y avait pas d’écrits.

L’on remarquera que pour le fondateur, trois noms sont en liste :
Fondouwé, Sonmigni, Gnilo
Nous avons interrogé plusieurs personnes et c’est le nom Fondouwé qui revient toujours sur les lèvres. Oralement, 8 femmes âgées de 50 à 65 ans ; 9 hommes de 75 à 78 ans.

David Demaison NEBIE
Lefaso.net

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