Nestor Nassoba Nazi Coulibaly : ‘’Moi je n’ai pas honte de préparer et vendre du dolo’’

Publié le lundi 4 septembre 2017 à 17h23min

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Nestor Nassoba Nazi Coulibaly : ‘’Moi je n’ai pas honte de préparer et vendre du dolo’’

Il s’appelle à l’état civil, Nestor Nassoba Nazi Coulibaly. Son prénom Nassoba signifie en Bwa les ancêtres, et est né en 1976 à Sanaba. C’est en 1982, que Nestor fut envoyé à l’école primaire et c’est en classe de CM1, qu’il abandonna ses études pour apprendre avec sa grand-mère, la germination du mil pour la préparation de la bière locale (le dolo). Aujourd’hui, même s’il regrette avoir abandonné l’école des blancs, Nassoba est fier de gagner bien sa vie dans la préparation et la vente du dolo et bien d’autres activités qu’il exerce et qui le nourrissent bien. Pour lui, dans la vie, il n’y a pas de sot métier. Seulement, il ne faut pas voler, escroquer, tuer et bien d’autres pour gagner sa vie. Habitant du secteur 4 de la ville de Solenzo, tout juste derrière l’ancien commissariat en construction, l’homme prépare son dolo et le vend. Ainsi que de la soupe, en plus de son petit commerce de légumes. Nous avons fait un tour chez cet ancien cuisinier des prêtres et avons dégusté sa bière et sa cuisine le dimanche 20 août 2017.

Dimanche 20 Août 2017, il est 10 heures, nous sommes au secteur 4, par curiosité dans un cabaret d’un homme de 41 ans. Dès notre arrivée, nous trouvons Nestor Nassoba Nazi Coulibaly, en train de découper des condiments pour préparer une soupe pour ses clients. Après qu’il nous a installés, il nous a lancé un « Bonjour messieurs, je vous sers combien de francs de dolo ? ». « Pour 100F », lui répondons-nous.

Après nous avoir servi, il retourne à sa cuisine. Un instant plus tard, il se retrouve derrière la bâtisse où la bière locale du lundi, jour de marché de Solenzo, est en cuisson sous un foyer amélioré. Quand nous demandons à nous entretenir avec lui, Nestor Nassoba nous répond : « Vous êtes venus pour boire ou me poser des questions, et puis qui êtes-vous ? ». Nous déclinons notre identité en ces termes : « C’est le faso.net, Boucle du Mouhoun, de passage ici ». Tout le reste est sans protocole.

« J’ai été scolarisé en 1982 et j’ai abandonné l’école des blancs au CM1 en 1986. De mon CP1 au CM1, je n’ai pas redoublé de classe. J’étais aussi très intelligent. Ce n’est pas aussi les moyens qui ont manqué à mes parents. J’avais autre vision, celle de la préparation du dolo. Mes parents ont tout fait en vain pour que je reprenne le chemin de l’école », a-t-il lancé pour camper le décor.

Et sa mère qui est juste à côté de confirmer. « C’est avec ma grand-mère, dès ma tendre enfance, que j’ai appris la germination du mil. Ensuite la préparation. Pour créer mon cabaret, je préparais le dolo d’autres femmes. Ensuite je louais des jours pour préparer le mien à 1.000F, que je leur reversais après ma vente. C’est avec ces bénéfices que je me suis installé à mon propre compte en 1999. Même si aujourd’hui je regrette d’avoir quitté les bancs pour ce métier, je ne regrette pas trop. Car, je gagne ma vie et j’ai aussi sorti plus de 10 femmes de leur pauvreté.

En effet, je gagne 15.000F par préparation et sans compter ma soupe, la vente de mes condiments. Je loue à plus de 10 femmes des jours, où elles me reversent 1.000F par préparation. La vente du dolo n’est pas destinée uniquement qu’aux femmes. Est-ce que, il n’y a pas des femmes qui font le même travail que les hommes ? Je ne vois pas la honte en cela. Pour la vente de mes condiments, soupe et dolo, la police et la gendarmerie ne viendront pas m’arrêter pour cela. Mais si je vole, escroque et tue, voyez le commissariat d’à côté et la gendarmerie un peu plus loin, l’un des deux viendra m’arrêter. Donc, dans la vie, il n’y a pas de sot métier.

A Solenzo ici, tout le monde me connait. Je me promenais avec ma soupe sur la tête pour vendre. Et ça j’avais entre 15 et 20 ans. Aujourd’hui, j’ai une entreprise en mon nom. Je peux dire que je peux avoir la moitié du salaire d’un fonctionnaire moyen et Dieu merci », poursuit-il. Avant de nous lancer : « Donc si je comprends c’est parce que je vends du dolo que vous êtes passés par là ? Voilà que tout le monde entier va me connaître à travers votre journal. C’est tout juste pour vous dire qu’on ne peut pas tous réussir dans l’élevage, l’agriculture et même devenir policier, gendarme, douanier, instituteur, ministre et j’en passe. Chacun est l’auteur de son destin. Qui veut réussir réussira. Mais pour réussir dans la vie, il faut créer sa propre entreprise. S’auto-employer etc. Moi je n’ai pas honte de préparer et vendre du dolo et même me promener avec ma soupe sur la tête en tant qu’homme. Ne courrons pas tous vers la fonction publique. Entreprenons et sans honte » a-t-il complété
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David Demaison NEBIE
Lefaso.net

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