Vote des Burkinabé à l’étranger : Nos compatriotes en terre malienne, entre compréhension et frustration

Publié le dimanche 29 mars 2015 à 22h36min

PARTAGER :                          
Vote des Burkinabé à l’étranger : Nos compatriotes en terre malienne, entre compréhension et frustration

L’annulation du vote des Burkinabé de l’étranger a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Les autorités de la Transition avancent comme arguments, les problèmes techniques, le manque de temps matériel et le coût supplémentaire d’un tel vote. Les principaux intéressés restent divisés entre ceux qui sont convaincus par les raisons avancées et ceux qui y voient un calcul politique ou ceux qui sont désolés et frustrés de voir qu’ils ne pourront pas prendre part à une élection qui a une allure historique. Elle se tient sans Blaise Compaoré et donc s’annonce concurrentielle. Dans le prolongement de ce débat, Lefaso.net a tendu son micro aux Burkinabé vivant au Mali. Lisons plutôt.

Abdoulaye Ouédraogo « avec plus de recule, nous sommes obligés d’admettre qu’ils ont raisons »

D’abord, chaque citoyen est peiné lorsqu’il ne peut pas s’exprimer par vote parce que le vote c’est un droit pour chaque individu. Maintenant, les raisons qui ont été évoquées par les autorités de la transition pour annuler le vote des Burkinabé de l’étranger, je pense qu’avec plus de recule, nous sommes obligés d’admettre qu’ils ont raisons, parce que c’est un vote à coût de milliards.
Et deuxièmement, le temps de la fuite de Blaise Compaoré au pouvoir jusqu’aux élections d’octobre prochain n’est pas assez long pour que la Transition s’organise et fasse des élections, avec les Burkinabé de l’étranger. Moi, je suis d’avis avec la Transition pour dire qu’effectivement, c’est difficile, c’est très difficile d’organiser des votes à l’étranger aujourd’hui.
Pour un an vraiment, je crois que ça va être un miracle. Mais en même temps, pour éviter que ceux qui sont à l’étranger se sentent peinés, il faut que les autorités prennent les dispositions et fassent des efforts pour permettre aux gens de voter dans cinq ans. Moi, je voudrais vraiment dire à mes compatriotes qui sont à l’étranger : bon écoutez, ça ne sera pas pour toujours. Mais dans cinq ans inch’Allah pour ceux qui auront longue vie, Dieu leur permettra de s’exprimer en prenant part au vote de leur pays.

Hassan Kéré, « Vraiment, on peut dire que c’est une décision qui est injuste »

Le vote est d’abord un devoir civique, un devoir fondamental pour tout Burkinabé. Dire aux Burkinabé qui ont leur carte consulaire qu’ils ne peuvent pas voter, c’est vraiment une décision injuste. Les raisons qu’ils ont invoquées ne sont même pas claires. Parce que, si on se rappelle en 2010 aussi, c’est ce qu’on nous a fait croire, que les moyens n’étaient pas encore en place. D’abord tout n’était pas réuni pour qu’on puisse faire le vote des Burkinabé de l’étranger. Si après cinq ans, on revient encore à la case départ, c’est qu’il y a vraiment une volonté. Cette volonté-là est qu’on ne veut pas que les Burkinabé de l’étranger puissent voter.
On a beaucoup de nos parents qui se sont établis dans les pays voisins, il y a plus de 50 ans. Ils n’ont jamais voté, jusqu’à nous-mêmes qui sommes leurs enfants, on a jamais voté. Vraiment ce n’est pas bon. On ne souhaite pas venir voir que le pays est dans les mains de n’importe qui. Donc il va falloir maintenant qu’on prenne en compte le vote de tout Burkinabé. Parce que nous aussi, on est loin mais on contribue à l’essor de ce pays-là. Donc, le fait qu’on nous néglige comme ça, ce n’est pas bien. C’est injuste.

La Guinée a réussie en 12, 15 mois, pourquoi pas le Burkina Faso ?

Si on trouve que les moyens ne sont pas encore réunis, on peut reporter le vote. Nous, on n’est pas pressé. Même si on doit reporter le vote jusqu’en 2017 ou 2018, nous en tout cas ça nous arrange. si on voit vraiment notre nombre ici au Mali ce n’est pas petit ; ceux de la Côte d’Ivoire, ceux de la Guinée, vraiment les Burkinabé qui sont à l’extérieur valent des millions de personnes. Ignorez le vote de ces personnes-là, moi je trouve que c’est vraiment injuste.
S’ils n’ont pas les moyens, il faut qu’on se donne les moyens, on se donne le temps pour que tout le monde puisse voter. Si on regarde même les pays de la sous-région, notamment le cas de la Guinée, après le coup d’Etat de Dadis, Blaise a joué la médiation dans ce pays et il y a eu des élections. Les guinéens à l’étranger ont voté. Le temps qu’ils ont pris pour effectuer ce travail ça ne dépasse 12 à 15 mois. Si la Guinée a réussi, pourquoi pas le Burkina Faso ? Donc ça montre qu’il y a eu une mauvaise foi, les gens sont de mauvaise volonté.
Sinon, il n’y a aucune raison pour que nous qui sommes à l’étranger, nous ne puissions pas voter. Vu les évènements qui ont eu lieu en octobre 2014, on avait espoir qu’avec les nouvelles autorités, on allait enfin pouvoir voter. Mais si eux ils reviennent encore comme l’ancienne équipe, c’est vraiment dommage quoi. Maintenant, on est totalement déçu. Donc on crie notre ras-le-bol pour dire au chef de l’Etat et son gouvernement que nous les Burkinabé qui sommes à l’extérieur, nous sommes vraiment frustrés du fait de ne pas poser cet acte qui est citoyen et civique. C’est vraiment dommage.

Boureima Traoré, « Nous devrions pourvoir nous exprimer sur le vote »

Moi je suis né en 1961 et j’ai grandi ici. Ce sont nos parents qui sont venus s’installer ici. Un Burkinabé est un patriote où qu’il soit. Même les enfants Burkinabé nés au Mali ici, aiment beaucoup le Burkina. Ils ont l’amour de leur patrie. Cela s’explique par l’éducation que nous recevons des parents. Ils nous éduquent à la burkinabé. Donc tout Burkinabé aime son pays plus que son pays d’accueil. En ce qui concerne les élections, normalement ceux qui sont à l’étranger ne devaient pas être ignorés dans cette affaire. Nous devrions pourvoir nous exprimer sur le vote. L’ancienne décision était bonne. S’ils peuvent revoir et nous permettre de voter, ça allait être la meilleure solution.

Assan Maïga, « le plus important pour nous que les votants confient le destin du pays à quelqu’un digne de ce nom ».

Nous avons eu une rencontre avec le ministre Barry. Il est venu à l’ambassade s’entretenir avec les Burkinabé résidant au Mali. Il a avancé un certain nombre d’arguments. Pour lui, le vote des Burkinabé de l’étranger, quand bien même il est nécessaire, il reste difficile compte tenu des moyens financiers et par rapport à la situation dans laquelle le pays est, il est difficile.
Pour ma part, ce sera mieux et plus intéressant, si on participe au vote, même si notre candidat n’est pas élu. C’est encore plus soulageant que lorsque les gens décident de confier le destin de notre pays à quelqu’un. C’est un peu gênant. C’est vrai, on comprend un peu les explications de monsieur le ministre compte tenu des moyens, les détails.

Mais en tout cas, nous les Burkinabé de l’étranger, nous souhaiterions participer à ce vote. Parce qu’en réalité, c’est l’une des rares élections présidentielles sans Blaise Compaoré. C’est quand même une élection historique au Burkina Faso. Ce qui veut dire que ça allait être un plaisir de participer à ces élections-là. Si tout le monde comprend la situation dans laquelle le pays est actuellement, on ne peut pas en vouloir aux gens. On ne peut pas croire que c’est la mauvaise foi. On ne peut pas aussi penser que c’est parce que les gens n’ont pas la volonté. Donc tout ce que nous pouvons dire, ce n’est pas bien grave. Ce qui est sûr, si on ne peut pas voter, il n’y a pas de raisons de forcer. Parce que le plus important, d’abord c’est le Burkina. Le plus important pour nous, est qu’on puisse confier le destin du pays à quelqu’un qui peut rehausser l’image du Burkina, faire du Burkina un pays émergent, c’est tout. Que l’élection qui sera faite, que les votants soient vraiment inspirés et qu’ils puissent confier le destin du pays à quelqu’un digne de ce nom.

Propos recueillis par Ibrahima TRAORE

PARTAGER :                          
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique