« Dans nos communes ici, certaines personnes pensent que la Mairie est une banque et le maire son Directeur », dixit Yssouf TRAORE, maire de Nouna

Publié le mardi 28 février 2017 à 23h27min

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« Dans nos communes ici, certaines personnes pensent que la Mairie est une banque et le maire son Directeur », dixit Yssouf TRAORE, maire de Nouna

Yssouf Traoré a été élu maire de Nouna le 20 juin 2016. Il a pris fonction le 29 juin 2016. Son parti le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP, au pouvoir) a raflé 90 conseillers sur les 135 lors des élections municipales passées. Avant d’être porté à la tête de la mairie, cet inspecteur de l’enseignement du premier degré était au ministère de l’éducation, en charge de la formation au Projet d’appui aux comités de gestion d’écoles (PACOGES). Le vendredi 3 février 2017, profitant d’une visite dans la localité, nous avons eu un entretien avec le 4ème locateur de la Mairie après Jules Traoré, Pascal Simboro, et Mariam Fofana.

Vous tenez la destinée de la Commune de Nouna. Sous quel signe placez-vous votre mandat ?

Yssouf Traoré : Je place ce mandat sous le signe du rassemblement des fils de Nouna. Parce que depuis mes débuts à l’enseignement, j’ai séjourné dans beaucoup de localités et je me suis rendu compte que c’est là où les gens s’entendent et se retrouvent pour échanger qu’il y a développement. Donc je tiens vraiment à vulgariser cela dans toute la commune. Que les fils et filles se retrouvent et débattent autour du développement de Nouna.

Comment comptez-vous améliorer votre assiette fiscale pendant votre mandat ?

Nous nous focalisons d’abord sur les moyens conventionnels à savoir les recettes propres de la commune et les subventions de l’Etat pour réaliser nos projets. Mais ce que nous comptons faire de particulier c’est améliorer l’assiette fiscale comme le disent les spécialistes de l’économie. Cela veut dire que nous entendons maximiser les recettes. Ici à Nouna il y a des gens qui ne savent même pas ce que c’est que la mairie. Ils ne savent pas qu’il faut s’acquitter de certaines taxes. Note travail est de prendre en compte tous ces aspects pour faire payer tout le monde et maximiser du même coup les recettes propres de la commune. Nos ambitions sont grandes parce que nous savons que Nouna n’est pas aussi pauvre qu’on le pense.

Il y a des potentialités à exploiter. Regardez Dori, c’est une ville qui a connu un maire exceptionnel. Si vous allez là-bas vous verrez des retenues d’eau, de la verdure. Il y a eu beaucoup de travail pour que cette ville présente un visage agréable. Bien sûr les réalités ne sont pas les mêmes puisque nous nous n’avons pas un carnet d’adresses assez fourni pour attirer des investisseurs. Mais je dis que Nouna malgré tout peut suivre l’exemple de Dori.

Etes-vous proche de vos populations ?

Il faut procéder par l’exemple pour sensibiliser efficacement. Un jour il y a un groupement qui est venu m’informer qu’il veut curer les caniveaux au marché. Quand je suis allé les trouver, j’ai pris une brouette et une pelle pour faire comme eux. Tout le monde était ébahi et étonné que ce soit le maire lui-même qui fasse ce travail. Le lendemain, les commerçants se sont organisés eux-mêmes pour achever le travail. De par ma profession d’enseignant, j’ai cultivé en moi l’humilité, le respect d’autrui.

Au moment où le pont de Bagala était rempli, je me suis rendu là-bas pour constater. Arrivé, quand j’ai voulu entrer pour traverser, les gens ont crié pour me dire qu’une autorité comme le maire ne doit pas prendre ce risque. J’ai riposté que si les électeurs risquent leurs vies tous les jours pour traverser, pourquoi l’élu ne va pas le faire ? Donc il faut apprendre à respecter les gens et à être humble pour marquer les cœurs et les esprits.

Au regard de votre secrétariat plein de monde, arrivez-vous à travailler ?

Dans nos communes ici, certaines personnes pensent que la mairie est une banque et son directeur c’est le maire. Donc s’ils ont besoin d’argent, ils viennent le dire au maire qui enlève et leur donne. Nous allons nous attaquer à toutes ces mentalités rétrogrades pour faire avancer les choses par la sensibilisation et surtout le travail. Toujours le travail pour qu’au bilan, on puisse dire qu’ils avaient la volonté mais ils n’ont pas pu.

Vous avez succédé à trois maires puis une délégation spéciale. Comment avez-vous trouvé leurs gestions ?

J’ai succédé à quelqu’un de très bien avec qui je communique régulièrement. Il est préfet à Gorom-Gorom et je répète qu’il est très bon. Il a rempli sa mission de façon responsable malgré sa jeunesse. Quoique les gens disent des choses sur lui çà et là, moi je considère qu’il a travaillé efficacement, peut-être grâce à sa formation d’administrateur civil. Il a été extrêmement prudent dans sa gestion si bien qu’il n’a pas commis de gaffe comme on le dit. On lui reproche certaines choses que moi je trouve négligeables.

On nous a fait cas de facture d’électricité et biens d’autres impayés par vos devanciers. Pouvez-vous nous dire ce qu’il s’est passé exactement ?

En réalité ce n’est pas la faute aux deux premiers maires s’il y a encore des factures d’électricité qui trainent jusqu’aujourd’hui. On a fait croire au premier maire que la mairie c’est l’Etat et que toutes les dépenses seront assurées par l’Etat. Les gens en ont profité pour consommer de façon exagérée et ce maire est parti sans honorer les factures. Le second qui est arrivé a estimé qu’il n’était pas redevable de ces arriérés ; donc il a refusé de payer. Nous en tout cas nous sommes engagés à régler ce contentieux qui traine depuis des années. Ce n’est pas facile mais nous allons tout régler d’ici juin. On aurait pu régler d’autres problèmes avec ces sommes. Surtout que nous manquons de véhicule et de police municipale.

Vous avez un stade municipal presqu’à l’abandon, qu’est- ce qui explique cela ?

Ce n’est pas le stade seulement qui est abandonné. Il y a plein de chantiers qui sont en souffrance et cela n’est pas l’affaire de Nouna seulement. La situation du pays y est pour beaucoup avec l’insurrection et le coup d’état manqué. De toutes les façons, ce sont des chantiers à achever.

Avez-vous un appel à lancer ?

Mon message à l’endroit des gens de Nouna c’est la cohésion, c’est la tolérance parce que c’est une ville multicolore où on retrouve toutes les sensibilités. Et c’est une particularité, nous vivons en parfaite harmonie. Aux autorités du pays, je leur demande seulement d’avoir un œil bienveillant sur Nouna car c’est une ville qui a fourni beaucoup d’intellectuels pour la gestion du pays. Bien sûr Nouna n’est pas la commune la plus mal lotie du pays, mais nous attendons toujours des soutiens d’où qu’ils viennent.

Le pont de Bagala qui sépare votre commune de celle de Sanaba, pouvez-vous rassurer les usagers que tout rentrera dans l’ordre avant l’installation de la saison des pluies prochaines ?

Pour ce qui est du cas de Bagala, les études sont faites et nous aurons les résultats en février. La difficulté de cette zone est que malgré la crue d’eau qu’il y avait, on rencontrait des poches de sécheresses à moins de 20 km de là. Aussi les bailleurs de fonds qui s’intéressent aux travaux ne veulent pas payer le déménagement des populations qui sera obligatoire. Nous espérons qu’il y aura un terrain d’entente entre l’Etat et ces bailleurs. C’est un réel danger qui plane chaque année sur les usagers de la route.

Pour terminer notre entretien, un dernier mot.

Je vous remercie beaucoup pour votre patience parce que vous avez remarqué que je ne suis pas très disponible. Je porte deux casquettes et j’en suis fier. Seulement cela prend tout mon temps si bien que pour me rencontrer, ce n’est pas évident. Donc j’aménage soigneusement mon temps entre les deux services et quand j’ai un petit temps de repos, je ne veux pas être perturbé. Encore merci pour votre patience.

Propos recueillis par David Demaison Nébié
Correspondant dans la Boucle du Mouhoun
Lefaso.net

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