Baisse de la qualité de l’enseignement au Burkina : À qui la faute ?

Publié le mercredi 16 mai 2018 à 19h12min

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Baisse de la qualité de l’enseignement au Burkina : À qui la faute ?

C’est en 1904 que la toute première école appelée « École des fils de chefs » fut créée à Ouagadougou. Ensuite, d’autres écoles furent créées à Bobo-Dioulasso, Tenkodogo, Kaya, Ouahigouya et Batié. Aujourd’hui, presque chaque village a une école. Mais comment enseignait-on à l’école ? Quelle était le comportement des élèves, des parents, des enseignants et quelle était la qualité de l’enseignement ? Nous avons croisé des anciens élèves qui nous partagent leurs souvenirs.

Les personnes avec qui nous nous sommes entretenus étaient à l’école primaire entre 1950 et 1990. Chacune d’elles se rappelle qu’à l’époque, la chicotte était un élément clé dans la conduite de la classe. Les parents laissaient la liberté au maître de faire ce qu’il voulait de leurs enfants. Les enseignants prenaient cette marque de confiance avec une grande responsabilité pour ne viser que la réussite des enfants.

« Il arrivait même que les enfants des parents qui s’hasardaient à faire des cadeaux au maître soient les cibles privilégiées pour aller au tableau. Dans les cahiers, les appréciations étaient très sévères avec des ‘‘mal, médiocre, nul’’. Cela, contrairement à ce que nous pensons, amenait les élèves à une prise de conscience de leurs faiblesses pour s’améliorer. Les coups de chicotte étaient le quotidien de tous les élèves, y compris les enfants des enseignants et des autres fonctionnaires », se souvient El Hadj Soliho Sanogo.

Florentine Marie-Claire Nana née Nikyema, aujourd’hui à la retraite

Pour Florentine Marie-Claire Nana née Nikyema, aujourd’hui admise à la retraite, « les punitions et autres brimades étaient supportées sans que personne ne s’y oppose. À l’époque, les écoles étaient rares donc distantes les unes des autres. Les élèves parcouraient souvent 5 à 10 km pour se rendre à l’école à pied, sans une pièce d’argent en poche ni un plat à manger à midi. Pieds nus, ils étaient préoccupés d’arriver à l’heure pour éviter les coups. À midi, le repas était constitué soit de fruits sauvages, soit de petit mil emporté qu’on se partageait ». Les tenues se limitaient à des haillons composés de deux ou trois culottes avec une chemise pour toute l’année. Les corvées comme le fagot, les semis, le sarclage, les constructions de poulaillers étaient réservées aux garçons. Quant aux filles, elles faisaient la lessive, pilaient le mil, puisaient l’eau pour la femme du maître, avec joie. Toute occasion d’aller au domicile du maître était une joie pour l’élève. Pour le parent et l’élève, le maître était un dieu et il fallait le respecter. Au village, pour les élèves, le passage du maître dans le quartier suscitait le sauve-qui-peut, de peur d’être bastonné le lendemain. En classe, le silence s’imposait et on pouvait entendre les mouches voler. Pendant les corrections de devoirs, on entendait des cris et des pleurs, à cause des coups reçus suite à des fautes relevées.

El Hadj Soliho Sanogo journaliste de Sidwaya à la retraite

Les activités manuelles étaient mises en valeur : jardinage, agriculture, etc. pour préparer tout le monde à la vie. En un mot, à l’époque, le pouvoir était entre les mains du maître et les élèves et leurs parents acceptaient cela volontiers. C’est dans ce système éducatif jugé traditionnel et archaïque que beaucoup de cadres du pays ont été formés. Tout cela dans des conditions d’études où il n’y avait ni électricité, ni connexion internet, ni table d’études, ni répétiteur. Il n’y avait que les lampes-tempête et les nattes comme tables. Le fagot de bois était même allumé pour servir de lumière. Pour les recherches et autres exercices de maison, il fallait faire recours aux aînés. Les fêtes de fin d’année étaient des moments de joie pour toute la communauté éducative. C’était l’occasion de récompenser les plus méritants et de partager les retombées des activités manuelles à tout le monde. Les résultats étaient publiés par classe, en présence des parents », raconte Paul Siaka Zou.

Mais que constatons-nous de nos jours ?

Des élèves indisciplinés qui n’aiment pas l’effort et la pression, des enseignants préoccupés par d’autres objectifs que l’avenir de leurs élèves, des parents se disant évolués qui refusent qu’on touche au moindre cheveu de leurs enfants. On se demande alors pourquoi cela.
Est-ce le modèle occidental avec ses notions de droit de l’Homme qui nous influence ? Est-ce le système éducatif lui-même qui est en faillite ? Est-ce la qualité des enseignants qui n’est plus la même ? Est-ce les mentalités des parents qui ont changé ?

Autant de questions auxquelles les nostalgiques des années 1950 comme Paul Siaka Zou n’arrivent pas à répondre. « Nous n’accusons personne mais nous invitons tout le monde à apporter sa part dans la recherche de solutions. C’est une responsabilité collective : décideurs politiques, enseignants, parents, élèves. Il faut urgemment s’accorder sur une formule qui apporte plus de rigueur et de cohérence dans les pratiques éducatives. Sinon au rythme actuel, nous craignons l’avènement d’une société sans valeurs intrinsèques et cela est dangereux pour une nation qui aspire au développement durable », préconise Paul Siaka Zou.

David Demaison NEBIE
Lefaso.net

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