Burkina : Une journée de Ramadan chez des déplacés internes de Dédougou

Publié le vendredi 7 avril 2023 à 12h42min

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Burkina : Une journée de Ramadan chez des déplacés internes de Dédougou

Observer le jeûne dans le mois de Ramadan est un impératif pour les musulmans. L’accomplissement de ce pilier de l’islam exige un minimum de conditions, notamment celles relatives à l’alimentation. A Dédougou, c’est la croix et la bannière chez plusieurs personnes déplacées internes qui accomplissent le jeûne.

« C’est par conviction et la foi que je jeûne, sinon c’est très difficile en ces moments », lance Mariam Yarbanga. La tête bien ceinte d’un foulard à la couleur du ciel, elle s’empresse d’énumérer des difficultés liées à l’indisponibilité de l’alimentation et le manque de moyens financiers pour faire face aux besoins de ces temps de jeûne.
Elle n’est pas seule à se lamenter des conditions dans lesquelles se déroule ce jeûne du mois de Ramadan chez des personnes déplacées à Dédougou.

« Souvent, je me contente d’un verre d’eau en lieu et place d’un repas digne de ce nom, le matin », ajoute Mamounata Sawadogo. Avec des lèvres blanchies et asséchées par le vent, elle s’efforce de se faire entendre. C’est une femme visiblement sans grande force, en cette mi-journée du dimanche 2 avril 2023. Le comble, à l’heure de la rupture, sa situation n’est guère reluisante. « C’est avec de l’eau du forage que je romps le jeûne », informe-t-elle. D’après elle, s’acheter de la glace ou les produits recommandés pour la rupture du jeûne (dattes, fruits, etc.) est un luxe qu’elle ne peut pas s’offrir cette année.

Jeûner vaille que vaille

El Hadj Famata Almamy Traoré, grand imam de Dédougou

Une troisième femme du nom de Roukétou Zonnon, qui ploie déjà sous le poids de l’âge, insiste, elle, que seules des contraintes de santé peuvent l’obliger à ne pas jeûner. « Je suis en bonne santé. C’est donc une obligation pour moi d’observer cette période de pénitence malgré les difficultés », dit-elle toute catégorique.

A l’écouter, ne pas pouvoir manger à sa faim ou n’avoir pas quelque chose à manger le matin et à la rupture du jeûne ne saurait expliquer une quelconque dérobade à l’exercice. « Nous avons abandonné tous nos vivres au village et nous n’avons pas encore bénéficié d’assistance alimentaire depuis notre arrivée. Mais, s’abstenir de jeûner parce que les conditions ne sont pas favorables ne changera rien à notre situation : manque de vivres, difficultés pour survivre ou (maintenant) pour faire le Ramadan », martèle-t-elle.

Mais cette quinquagénaire ne perd pas espoir. Elle compte mettre à profit ce mois de Ramadan pour « implorer la grâce de son seigneur » pour l’apaisement de la situation sécuritaire et surtout le retour de tous les déplacés dans leurs localités d’origine.

Ces femmes viennent toutes de la commune rurale de Sanaba, située dans la province des Banwa. Depuis le début de l’année 2023, elles ont élu domicile à Dédougou, capitale de la région de la Boucle du Mouhoun, suite à des attaques meurtrières d’hommes armés ayant coûté la vie aux époux de certaines d’entre elles. Les hommes déplacés internes partagent le même sort que les femmes.

L’oisiveté, une paire de manche

Bakary Konaté et Mahama Percoma, originaires respectivement des communes rurales de Douroula et de Gassan, ne diront pas le contraire des témoignages livrés par les dames. Ces pères de famille squattent à longueur de journées le site d’accueil des déplacés. Loin de chez eux du fait du terrorisme, ils se retrouvent à Dédougou sans activité professionnelle, même pas de quoi se débrouiller. N’ayant pas de jobs, ils se tournent les pouces.

Ces deux chefs de famille partagent une situation commune : la précarité qu’ils doivent, cette année, conjuguer avec le jeûne musulman qu’ils ne sont pas prêts d’abandonner.

Mais, Bakary Koné, tout comme monsieur Percoma, a un peu de la chance. Le premier arrive à avoir le repas du petit matin pour le jeûne grâce à ses enfants qui se font employer de temps à autre dans des activités diverses comme la maçonnerie. Quant au second, il doit son repas du jeûne à ses épouses qui s’adonnent à de petites activités en ville pour aider la famille à s’acheter quelques boîtes de céréales.

Appel à la solidarité, au partage

Sans aucune activité professionnelle, ces hommes ne peuvent satisfaire les nombreux besoins en ce mois de carême

Selon une assertion répandue, le mois de ramadan chez les musulmans rime avec partage et solidarité de tout genre. Mais fort est de constater que sur le site des déplacés internes de Dédougou, cet élan de solidarité n’est pas encore perceptible jusqu’à la fin de la première décade de ce mois de pleine adoration pour les adeptes de la religion musulmane.

Les personnes hébergées sur ce site disent compter sur l’Etat et des bonnes volontés.
Face aux difficultés vécues par les personnes déplacées internes, le grand imam de Dédougou, El Hadj Famata Almamy Traoré exhorte la communauté musulmane et l’ensemble de la population de Dédougou à demeurer accueillantes et solidaires des personnes déplacées, particulièrement en cette période de Ramadan considéré comme un mois de partage.

« Je demande aux citoyens de partager le peu qu’il possède avec les personnes déplacées afin de leur permettre d’accomplir sans difficultés leur devoir religieux », interpelle l’iman Traoré.
Parlant spécifiquement des déplacés internes, le chef religieux estime que leur situation doit être lue comme « une volonté de Dieu. Tous ceux qui peuvent faire quelque chose pour soulager les déplacés pendant cette période de pénitence, n’hésitez pas un seul instant », appelle l’iman Traoré.

Yacouba SAMA

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